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greffoir

Le greffage

” Greffez des plants de rosiers
sur des plants de vigne,
ça fera du vin rosé naturel. ”

Pierre Dac

Une pratique ancestrale inspirée par la nature

Le greffage est probablement l'une des techniques de propagation les plus anciennes. Il n'est pas surprenant que l'histoire ne mentionne pas la première personne à l'avoir « inventé ». En réalité, il est peu probable que le greffage ait été créé de toutes pièces par les premiers arboriculteurs. Il est plus vraisemblable que le premier greffage délibéré ait été inspiré par l'observation de greffages spontanés dans la nature.

La greffe naturelle, plus courante qu'on ne l'imagine généralement, peut se manifester entre les pousses ou les racines. Elle peut se produire sur un même arbre, ce que l'on nomme une autogreffe, ou entre des arbres voisins qui sont compatibles.

Bien qu'il n'y ait aucune trace historique du premier greffage délibéré réalisé par les premiers arboriculteurs, il ressemblait très probablement à ce que l'on appelle aujourd'hui le greffage par approche.

Dans le cadre d'une greffe naturelle, il n'est pas toujours aisé de distinguer le « porte-greffe » du « greffon : aucune des deux parties en fusion n'est dissociée de son organisme d'origine, que ce soit au niveau des racines ou des branches. Cette situation se distingue nettement de la majorité des techniques de greffe intentionnelles, telles que :

Cependant, il est difficile de déterminer précisément qui a été le premier à essayer avec un greffon détaché de l'organisme végétal d'origine. Les techniques de greffage ont évolué au fil du temps et ont été transmises de génération en génération, chaque culture apportant ses propres innovations et adaptations.


Un voyage à travers les âges pour la diversité fruitière

L'art de la greffe, qui a traversé les âges et les cultures, a une histoire riche et captivante. Selon certaines sources historiques, les premières traces de la pratique de la greffe pourraient remonter à la Chine ancienne, autour de 2000 avant notre ère. Il semble que des arbres fruitiers tels que les pêchers, les pruniers, les poiriers et les agrumes auraient été multipliés ou reproduits grâce à la greffe.

Il est néanmoins important de souligner que, bien que ces documents historiques témoignent de l'utilisation de techniques de greffage depuis des époques très anciennes, les origines exactes et la chronologie peuvent varier, en raison de la grande ancienneté de ces pratiques.

Suite à son apparition présumée en Chine, la technique de la greffe a été adoptée et perfectionnée par de nombreuses autres civilisations, dont les Égyptiens, les Grecs, les Romains, les Perses et les Indiens, pour améliorer la qualité des fruits. Les Grecs et les Romains, ayant appris cette technique des Perses, l'ont appliquée à divers arbres fruitiers. Ils ont même innové en créant de nouvelles combinaisons en greffant différentes espèces ensemble.

Ces anciennes pratiques de greffage sont documentées dans des textes sumériens et égyptiens. Par ailleurs, des auteurs grecs et romains passionnés par la botanique et l'agriculture, notamment Théophraste, Virgile, Varro, Columelle et Palladius, ont consacré de nombreux écrits aux diverses techniques de greffage. Dans leurs descriptions, ils transmettaient fréquemment des messages moraux, en faisant une analogie entre la greffe et le mariage ou l'adoption.

La greffe a continué à être pratiquée tout au long du Moyen Âge et de la Renaissance en Europe et en Asie. Pendant cette période, la greffe était principalement utilisée pour :

La diversité des pommes et des poires que nous connaissons aujourd'hui trouve ainsi ses racines au XIXe siècle, voire avant. Grâce à la technique du greffage, nous avons réussi à préserver les variétés fruitières cultivées depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours.


Points clés pour une greffe réussie

Sélection des greffons

Le moment du prélèvement du greffon est crucial pour la réussite de la greffe. En général, les greffons sont prélevés pendant la dormance de l'arbre, souvent en hiver. Pendant cette période, l'arbre est en repos végétatif, ce qui facilite le prélèvement du greffon. De plus, prélever le greffon en hiver permet de s'assurer que le greffon est dans un état de repos optimal, prêt pour la greffe au printemps.

Le greffon doit être prélevé sur un arbre sain et vigoureux. Il est important que le greffon provienne d'un arbre qui produit des fruits de qualité. Les greffons sont généralement prélevés sur les rameaux de l'année en cours, car ils présentent une vigueur et une vitalité optimales pour la greffe. Il est important de noter que les gourmands, qui sont des pousses vigoureuses et souvent verticales, ne sont généralement pas utilisés comme greffons en raison de leur croissance excessive et de leur faible production de fruits.

Il est essentiel de ne pas oublier d'étiqueter les rameaux prélevés pour assurer une identification précise lors de la greffe ultérieure.

Conservation des greffons

Il est primordial de préserver correctement les greffons pour garantir leur viabilité. Les greffons peuvent être conservés au réfrigérateur à une température de 0 à 4°C, emballés dans un matériau qui conserve l'humidité pour éviter le dessèchement.

Si conservés à l'extérieur, il est recommandé de les enterrer dans une jauge de sable au pied d'un mur extérieur orienté vers le nord. Généralement, les greffons sont jaugés aux 2/3.

Il est important de vérifier régulièrement que les greffons ne se dessèchent pas. Si vous remarquez que le sable commence à sécher, vous pouvez l'humidifier légèrement. Cependant, il n'est pas recommandé d'arroser ou d'immerger les greffons car cela pourrait entraîner leur pourriture.

Les greffons doivent être utilisés dès que possible après leur sortie de la conservation pour maximiser leurs chances de réussite de la greffe.

Choix du bon porte-greffe

Le choix d’un porte-greffe n’affecte pas seulement la récolte de fruits à venir, mais a aussi une grande importance pour divers autres facteurs clés. Il faut notamment considérer :

De plus, une affinité génétique entre le porte-greffe et le greffon est cruciale pour le succès de la greffe. Cela signifie que le porte-greffe et le greffon doivent généralement être du même genre botanique, ou au moins appartenir à la même famille botanique.

Les bons outils

L'utilisation d'outils de coupe adéquats, tels qu'un couteau à greffer bien affûté, un sécateur de qualité et une scie aux dents aiguisées, est primordiale. Ces instruments permettent d'effectuer des incisions nettes et précises, une condition sine qua non pour une greffe réussie.

Un sécateur de qualité est nécessaire pour effectuer une taille précise et nette du porte-greffe, facilitant ainsi l'insertion du greffon. Dans certains cas, notamment lorsque le porte-greffe est d'un diamètre plus grand, une scie peut être nécessaire pour préparer le porte-greffe avant la greffe.

Un couteau à greffer bien aiguisé assure des coupes lisses et nettes sur le greffon et le porte-greffe, favorisant ainsi un contact étroit entre les deux, élément essentiel pour une greffe fructueuse. Les couteaux à greffe à biseau simple, affûtés d'un seul côté de la lame, sont généralement plus tranchants et mieux adaptés pour des coupes fines et complexes, comme celles requises pour la greffe, que les couteaux à biseaux double.

Naturellement, un entretien adéquat est essentiel pour assurer le tranchant optimal et la longévité du couteau à greffer.

Prioriser la désinfection des outils

L'application d'une procédure de désinfection rigoureuse est cruciale pour prévenir la contamination microbienne des sites de greffe. Cette étape est essentielle pour assurer la santé et la viabilité du greffon et du porte-greffe.

Pour la désinfection en arboriculture fruitière, l'alcool éthylique à 70% est généralement privilégié. Cette concentration spécifique est optimale pour l'élimination des micro-organismes. En effet, un titre alcoolique supérieur peut s'avérer moins efficace, car il provoque une coagulation rapide des protéines microbiennes, empêchant ainsi l'alcool de pénétrer intégralement dans la cellule pour l'inactiver.

Pour désinfecter les outils de greffe, il est important de laisser le désinfectant agir suffisamment longtemps. Habituellement, les désinfectants classiques doivent être en contact avec l'outil pendant 3 à 5 minutes pour être efficaces. Si vous utilisez de l'alcool éthylique, idéalement à 70%, vous devriez laisser l'outil désinfecté au repos pendant environ 30 minutes pour assurer une élimination complète des micro-organismes.

Maximiser le contact entre les cambiums

La greffe implique le transfert d'un greffon, un fragment d'un arbre donneur, à un autre arbre, le porte-greffe. Cette technique permet d'intégrer les caractéristiques bénéfiques du greffon au porte-greffe. Un élément clé de cette technique est l'interaction entre le cambium du greffon et celui du porte-greffe.

Le cambium est une couche de cellules actives, appelées cellules méristématiques, située entre l'écorce et le bois. Ces cellules méristématiques ont la capacité unique de se diviser et de se différencier, jouant ainsi un rôle crucial dans la réussite de la greffe. En effet, c'est le cambium qui génère les nouvelles cellules permettant au greffon de se fusionner avec le porte-greffe.


Le cambium est également connu sous le nom de cambium vasculaire car il est situé entre le xylème, le tissu qui transporte l'eau et les nutriments des racines vers les feuilles, et le phloème, le tissu qui transporte les produits de la photosynthèse des feuilles vers les autres parties de l'arbre.

Cette position stratégique du cambium facilite la connexion des systèmes de transport du greffon et du porte-greffe lors de la greffe.


L'optimisation du contact entre les cambiums du greffon et du porte-greffe est cruciale pour la réussite de la greffe. Elle commence par la taille précise du greffon et du porte-greffe, réalisée avec un outil tranchant et stérile pour obtenir une surface de coupe nette. Cette surface favorise un contact optimal entre les cambiums lors de l'attachement du greffon au porte-greffe. Ce contact étroit permet non seulement la fusion des cambiums, mais assure également une circulation efficace de l'eau et des nutriments dans l'arbre greffé.

Finaliser la greffe

Après avoir attaché le greffon au porte-greffe, plusieurs étapes sont nécessaires pour finaliser la greffe.

L'application d'un mastic à greffer est essentielle pour sceller la greffe, prévenir la déshydratation et l'infection, et créer une barrière contre l'air et l'eau. Un ruban ou une bande de greffe sont utilisés pour maintenir le greffon en place pendant qu'il s'établit.

Pour protéger les greffons des oiseaux qui pourraient les endommager en se posant dessus, deux rameaux peuvent être fixés au-dessus de la greffe pour former un perchoir.

Une fois la greffe finalisée, une surveillance régulière est nécessaire pour vérifier que la greffe est toujours bien scellée et que le ruban ou la bande est en place. Il faut également surveiller la greffe pour détecter tout signe de maladie ou de stress. Enfin, il est important de veiller à ce que le porte-greffe reçoive suffisamment d'eau et de nutriments, surtout pendant les premières semaines après la greffe.


Techniques de greffe courantes

La greffe à l'anglaise simple

La greffe à l'anglaise simple est une technique de greffage fréquemment employée en arboriculture fruitière. Cette technique implique la juxtaposition d'un greffon et d'un porte-greffe. Ces deux parties sont taillées de manière à avoir des biseaux correspondants, généralement à un angle de 30 degrés.

Ils sont ensuite placés l'un contre l'autre de manière à ce que leurs cambiums, la couche de cellules végétales responsables de la croissance en épaisseur, coïncident. Une fois le greffon et le porte-greffe correctement positionnés, ils sont maintenus ensemble à l'aide d'un lien, qui peut être du raphia, un ruban de greffage ou même du scotch élastique.

Enfin, le point de greffe est recouvert d'un mastic de greffage pour le protéger des infections et de la déshydratation pendant que la greffe prend.

La greffe à l'angaise compliquée

La greffe à l'anglaise compliquée se distingue par une incision supplémentaire réalisée à environ un tiers de la longueur du biseau, à partir de la pointe du biseau, sur le greffon et le porte-greffe. Cela laisse deux tiers de la longueur du biseau en dessous de l'incision.

Lors de l'assemblage, ces incisions sur le greffon et le porte-greffe s'emboîtent l'une dans l'autre, ce qui permet un meilleur maintien du greffon lors de la ligature. C'est cette étape supplémentaire qui différencie la greffe à l'anglaise compliquée de la greffe à l'anglaise simple, où le greffon et le porte-greffe sont simplement juxtaposés.

La greffe en couronne

Parmi les différentes méthodes de greffe, la greffe en couronne est particulièrement appréciée des amateurs pour sa simplicité et son efficacité, notamment dans la propagation des arbres fruitiers comme le pommier.

La greffe en couronne est souvent employée pour changer la variété d'un arbre fruitier bien établi dont la production n'est plus satisfaisante, que ce soit en raison d'une diminution de la productivité ou d'un désir de changer de variété. L'arbre greffé, avec ses racines et branches déjà établies, produit des fruits plus rapidement qu'un arbre nouvellement planté qui nécessiterait plus de temps pour commencer à fructifier.

Cette méthode est spécialement conçue pour les arbres dont le diamètre du tronc varie entre 5 cm et 20 cm. La greffe en couronne est en effet particulièrement adaptée aux arbres de taille conséquente, pour lesquels d'autres techniques de greffage, comme la greffe en fente ou en écusson, seraient moins aisées à mettre en œuvre.

La greffe en couronne est appréciée pour son taux de réussite élevé, car elle offre une vaste zone de contact entre le porte-greffe et le greffon, ce qui favorise la cicatrisation et l'union des tissus.

La période idéale pour réaliser une greffe en couronne se situe généralement entre la mi-avril et la mi-mai, juste avant la floraison. C'est à cette époque de l'année que l'arbre est en pleine montée de sève, ce qui est essentiel pour la survie et le développement du greffon. De plus, au printemps, l'écorce se sépare plus facilement du bois, ce qui facilite l'insertion du greffon sous l'écorce du porte-greffe lors de la greffe en couronne.


Ces techniques en images

Voici les diaporamas qui présentent les techniques de greffe à l'anglaise, à l'anglaise compliquée et en couronne.




Bibliographie

“J'apprends à greffer mes arbres fruitiers et mes arbres d'ornement” par Alain Pontoppidan est un guide pratique qui initie à la greffe en arboriculture.

L'auteur, un technicien agricole reconnu, guide le lecteur dans le choix des outils, la récolte des greffons et le choix du porte-greffe. Le livre est illustré pour rendre les techniques de greffage accessibles aux débutants. Il est un outil précieux pour les jardiniers amateurs et ceux qui souhaitent contribuer à la préservation de la biodiversité des variétés fruitières.

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